Ursula von der Leyen sous pression : quand l’extrême droite européenne tente une motion de censure (et expose ses propres divisions)

C’est la première fois depuis 1999 qu’un tel scénario semble ne plus totalement relever de la science-fiction parlementaire : une motion de censure contre la Commission européenne. L’ennemie visée ? Ursula von der Leyen. (source : Ouest-France) L’arme ? Les SMS Pfizer. Les tireurs ? Une extrême droite aussi revancharde que désunie.

Il aura suffi de 74 signatures sur 720 députés européens pour que la motion de censure franchisse la ligne de départ. Un seuil symbolique, mais éloquent. Il illustre à la fois le poids croissant de l’extrême droite au Parlement européen depuis les élections de 2024, et sa nouvelle stratégie : ne plus se contenter de grogner dans l’hémicycle, mais tenter le grand soir institutionnel.

Une motion contre l’opacité Pfizer

Ce n’est pas un hasard si cette motion vise la gestion opaque des négociations vaccinales pendant le Covid. En ligne de mire : les fameux SMS entre Ursula von der Leyen et Albert Bourla, PDG de Pfizer, restés secrets malgré les demandes récurrentes d’eurodéputés et d’ONG. Un manque de transparence devenu presque banal à Bruxelles, mais que cette fronde remet sur le devant de la scène.

C’est le député roumain Gheorghe Piperea, proche du nationaliste George Simion, qui porte le texte. Rappelons que ce dernier a failli accéder à la présidence de la Roumanie en surfant sur une rhétorique souverainiste et antisystème. Autant dire que le duo n’a pas oublié de politiser l’affaire Pfizer, transformée en cheval de Troie contre la Commission.

Une extrême droite en ordre… dispersé

Mais là où le coup de théâtre vire à la tragicomédie, c’est dans l’incapacité structurelle de l’extrême droite à s’unir. Entre les élus du groupe CRE, sous la houlette des Italiens de Giorgia Meloni, furieux à l’idée de perdre la vice-présidence de leur commissaire Raffaele Fitto, et les non-inscrits anti-vax exaltés, le camp « anti-Ursula » ressemble plus à une troupe de théâtre amateur qu’à une armée parlementaire disciplinée.

Même au sein du Rassemblement national, on préfère manifestement la prudence à l’audace. Seuls Virginie Joron et Thierry Mariani ont osé co-signer la motion, confirmant leur statut de francs-tireurs assumés. Les mêmes qui, déjà, avaient soutenu George Simion en Roumanie, au grand dam du reste de la délégation RN

Le PPE et Ursula : un amour de second mandat

Cette tentative de censure s’annonce donc condamnée à l’échec, mais elle révèle un autre paradoxe européen : le soutien implicite du PPE (droite pro-européenne) à von der Leyen, notamment en raison de son virage moins écologiste depuis son second mandat. L’ancienne ministre allemande de la Défense a compris comment survivre politiquement : reculer sur le Green Deal, ménager les conservateurs, tout en se gardant bien de publier ses textos.

Et tant pis pour les grands principes démocratiques.

Un geste sans lendemain… mais lourd de conséquences

D’un point de vue institutionnel, la motion n’a aucune chance d’être adoptée. Il faudrait 361 voix favorables sur 720. Mais d’un point de vue politique, c’est un signal fort : l’ère du consensus mou à Bruxelles vacille.

Car même si les frondeurs échouent, ils installent un débat : celui de la responsabilité de la Commission, de l’équilibre des pouvoirs dans l’UE, et surtout du droit des citoyens à savoir comment les décisions ont été prises en pleine pandémie.

Et derrière ce théâtre parlementaire, une question reste en suspens : faut-il une extrême droite pour que transparence rime avec démocratie ?

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