C’est officiel : la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, veut que les Européens sortent le carnet de chèques pour gonfler leur budget militaire. Lors de la Conférence de sécurité de Munich, elle a appelé les Vingt-Sept à dépasser le sacro-saint seuil des 2 % du PIB imposé par l’OTAN pour atteindre un vertigineux 3 %.
UE et OTAN : entre dépendance et pression américaine
En toile de fond de cette annonce, une réalité qui donne des sueurs froides à Bruxelles : Donald Trump. Avec son style inimitable, l’ancien et peut-être futur président américain menace ouvertement de ne plus défendre les « mauvais payeurs » de l’OTAN. Autrement dit, si un pays européen ne met pas suffisamment la main à la poche, il pourrait bien se retrouver seul face à une invasion, à ses risques et périls.
L’OTAN exige depuis longtemps que ses membres dépensent au moins 2 % de leur PIB en défense. Or, la plupart des pays européens traînent la patte. Ursula von der Leyen veut donc prendre les devants en poussant les budgets militaires à 3 %, histoire de montrer que l’UE peut se débrouiller seule si nécessaire. Mais à quel prix ?
Une aubaine pour l’industrie de l’armement européenne
Au-delà de l’aspect stratégique, cette annonce a un autre objectif : favoriser l’industrie européenne de la défense. Aujourd’hui, beaucoup d’États membres achètent leur matériel militaire aux États-Unis (bonjour les F-35 de Lockheed Martin). Mais si l’UE décide d’investir massivement, il est fort probable qu’elle cherche à faire tourner ses propres usines plutôt que d’enrichir Boeing et compagnie.
Selon Ursula von der Leyen, « Nous devons investir dans notre propre industrie de la défense pour garantir notre autonomie et créer des emplois en Europe. » Une déclaration qui résonne fort dans des pays comme la France et l’Allemagne, qui disposent d’une industrie militaire performante.
Cela pourrait créer des tensions avec Washington, qui pourrait voir ce virage comme un désengagement progressif vis-à-vis de l’OTAN. Mais après tout, si Trump décide de laisser tomber ses alliés européens, autant que ces derniers préparent une réplique.
Problème : tout le monde ne peut pas suivre
Si la France et la Pologne disposent déjà d’une armée bien rodée et peuvent accélérer leurs dépenses, d’autres pays comme la Belgique ou le Luxembourg risquent de devoir jongler entre les coupes budgétaires et les hausses d’impôts. L’Allemagne et les Pays-Bas, eux, sont réticents à l’idée de creuser la dette pour financer ce réarmement.
Pour contourner ces obstacles, Von der Leyen propose de suspendre temporairement les règles budgétaires de l’UE afin de permettre aux États d’investir librement dans la défense, un peu comme cela avait été fait pour faire face à la crise du COVID-19. Une sorte de « quoi qu’il en coûte » militaire.
Vers une armée européenne ?
Cette annonce relance aussi un vieux serpent de mer : la création d’une véritable armée européenne. Emmanuel Macron en rêve depuis longtemps, et si les budgets militaires de l’UE explosent, il pourrait bien enfin voir son projet se concrétiser.
Mais cela suppose de résoudre un problème fondamental : qui commanderait cette armée ? L’UE est déjà paralysée sur les décisions diplomatiques, alors imaginer une force militaire unifiée avec des états aux intérêts souvent divergents, c’est un sacré pari.
Conclusion : entre opportunité stratégique et gouffre financier
Si Ursula von der Leyen réussit son coup, l’UE pourrait enfin se donner les moyens de son ambition stratégique et ne plus être un simple supplément de l’OTAN. Mais cela implique une réorganisation budgétaire massive, une volonté politique forte et, surtout, l’adhésion des États membres.
Selon un rapport de l’Agence européenne de défense (EDA), une augmentation de 1 % du PIB représenterait environ 150 milliards d’euros par an pour l’ensemble de l’UE. Une somme colossale qui pose la question : jusqu’où l’Europe est-elle prête à aller pour assurer sa sécurité ?
En attendant, l’annonce fait déjà grincer des dents en Allemagne et aux Pays-Bas, tandis que d’autres pays voient d’un bon œil cet investissement dans leur industrie militaire. Quant à savoir si l’UE deviendra vraiment une puissance militaire autonome, tout dépendra de la réaction des États-Unis et des élections américaines à venir. Une chose est sûre : si Trump revient au pouvoir, l’Europe n’aura peut-être pas d’autre choix que de transformer les paroles en actes.
Sources :
- Le monde : Ursula von der Leyen somme les Vingt-Sept d’augmenter « considérablement » leurs dépenses de défense
- Conseil de l’Union Européenne : La défense de l’UE en chiffres