Depuis janvier 2025, le gouvernement Bayrou, qui vit peut-être ses derniers mois, a gelé 11 milliards d’euros de crédits publics. Pire encore, 3,1 milliards viennent d’être annulés par décret, sans même passer devant l’Assemblée nationale ou le Sénat. Face à cette gouvernance express digne d’une start-up en faillite, la gauche et le Rassemblement national montent au créneau, dénonçant une attaque en règle contre la démocratie budgétaire.
Quand l’exécutif préfère les raccourcis à la démocratie
Dans un climat économique déjà aussi réjouissant qu’un buffet sans fromage, la dégradation de la conjoncture pousse l’exécutif à serrer la vis budgétaire. Mais au lieu de proposer un projet de loi de finances rectificative (PLFR) — passage obligé en cas de dérapage financier sérieux —, François Bayrou et ses ministres choisissent de piloter à vue… par décrets. Une méthode rapide, certes, mais qui contourne superbement les représentants élus du peuple.
Éric Coquerel (La France insoumise) réclame un PLFR « d’ici l’été », au nom de la démocratie. Même Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) rejoint l’appel. Quand deux extrêmes ennemis s’accordent sur la nécessité d’un minimum de respect institutionnel, on comprend que la situation frôle le grotesque.
Les conséquences prévisibles de cette méthode cavalière
- Crise institutionnelle larvée : En court-circuitant l’Assemblée, Bayrou ouvre un boulevard aux accusations d’autoritarisme budgétaire. Chaque euro dépensé ou économisé risque désormais d’être contesté devant le Conseil constitutionnel, transformant la gestion publique en un feuilleton judiciaire permanent.
- Affaiblissement du gouvernement : La légitimité de François Bayrou, déjà fragile, pourrait s’effriter encore plus vite que les promesses d’un plan de relance. Gouverner sans majorité est un art difficile ; gouverner sans vote est une provocation.
- Tensions sociales renforcées : Les coupes budgétaires invisibles aux yeux du Parlement, mais bien visibles sur les prestations sociales, la santé ou l’éducation, risquent de provoquer une nouvelle montée de la colère populaire. Après les Gilets Jaunes, les « Gilets Vidés » ?
- Explosion du déficit démocratique européen : À l’heure où Bruxelles rappelle gentiment que la France doit tenir ses engagements budgétaires (tout en fermant pudiquement les yeux sur ses méthodes…), ce coup de force par décret risque d’aggraver le sentiment anti-européen. Un cadeau empoisonné à l’extrême droite en vue des prochaines élections ?
Pourquoi refuser un PLFR ? (Indice : Ce n’est pas pour nous simplifier la vie)
Un PLFR, c’est l’obligation d’affronter un débat public, des amendements, des votes, bref, ce joyeux bazar démocratique où l’on ne fait pas tout ce qu’on veut. À l’approche de nouvelles échéances électorales, Bayrou préfère éviter d’offrir une tribune aux critiques, de gauche comme de droite, et surtout, il veut contrôler son calendrier… quitte à malmener la séparation des pouvoirs.
Une vieille tradition française remise au goût du jour : « Circulez, y’a rien à voter. »
Sources :