Écrite à la hâte mais pensée pour l’éternité, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 reste le texte de référence de la démocratie française. Adoptée en pleine Révolution, elle fixe les grands principes qui, depuis plus de deux siècles, servent tantôt de boussole politique, tantôt de bouclier juridique. Retour sur son histoire, son rôle et ses répercussions dans les différentes Républiques françaises.
Un texte révolutionnaire dans tous les sens du terme
Rédigée entre juillet et août 1789, la DDHC s’inspire de plusieurs sources :
- la philosophie des Lumières (Rousseau, Montesquieu, Voltaire),
- l’expérience américaine (Déclaration d’indépendance de 1776 et Constitution américaine de 1787),
- et le besoin urgent de mettre fin à l’arbitraire royal.
Le texte, composé de 17 articles, proclame des principes universels : liberté, égalité devant la loi, souveraineté nationale, séparation des pouvoirs, droit de propriété, et surtout, responsabilité des gouvernants devant les citoyens.
Un condensé qui, à l’époque, sonne comme une bombe : fini le roi au-dessus de tout, désormais “la loi est l’expression de la volonté générale” (article 6).
Dans les Républiques qui ont suivi : un fil rouge jamais rompu
La France a connu cinq Républiques, et à chaque étape, la DDHC a servi de référence, parfois dans l’ombre, parfois en pleine lumière.
- Première République (1792-1804) : la DDHC inspire directement les constitutions révolutionnaires, même si la Terreur en fait une lecture… disons sélective.
- Deuxième République (1848-1852) : retour en force des idéaux de 1789, avec l’abolition de l’esclavage et le suffrage universel masculin.
- Troisième République (1870-1940) : elle devient un texte d’éducation civique, symbole d’une République installée et stable.
- Quatrième République (1946-1958) : la Constitution intègre la Déclaration de 1789, complétée par un Préambule social (droits au travail, à la santé, à l’éducation).
- Cinquième République (depuis 1958) : la DDHC a valeur constitutionnelle. Depuis la décision du Conseil constitutionnel de 1971 (liberté d’association), ses articles servent de norme juridique et permettent aux juges de censurer des lois contraires.
Un rôle central dans le droit français
Aujourd’hui, la DDHC fait partie du bloc de constitutionnalité. Autrement dit, elle n’est pas seulement un texte symbolique, mais une arme juridique. Chaque loi votée peut être confrontée à ses principes via le contrôle du Conseil constitutionnel.
Exemples marquants :
- censure d’une loi qui limitait la liberté d’association (1971),
- rappels à l’égalité devant l’impôt,
- encadrement des pouvoirs de police pour protéger les libertés individuelles.
En pratique, la Déclaration reste donc vivante : elle protège les citoyens face aux excès de l’État, deux siècles après sa rédaction.
Répercussions et critiques
La DDHC est saluée comme l’un des textes fondateurs de la démocratie moderne. Mais elle n’échappe pas aux critiques :
- Universelle en théorie, limitée en pratique : en 1789, elle n’inclut ni les femmes, ni les esclaves, ni les non-propriétaires.
- Ambiguïtés sociales : la propriété est proclamée “droit inviolable et sacré” (article 17), mais rien n’est dit sur les droits économiques pour les plus pauvres.
- Réinterprétations politiques : chaque régime l’a utilisée à sa sauce, parfois pour justifier des mesures liberticides au nom de “l’intérêt général”.
Héritage actuel
La DDHC reste la vitrine de la République française à l’international, régulièrement citée dans les débats sur les droits humains. Elle inspire aussi les textes européens (Convention européenne des droits de l’homme, Charte des droits fondamentaux de l’UE).
En clair : plus de 230 ans après, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est toujours au cœur de la République, parfois comme phare, parfois comme miroir dérangeant.
FAQ
La Déclaration de 1789 a-t-elle une valeur juridique aujourd’hui ?
Oui. Depuis 1971, elle est invocable devant le Conseil constitutionnel.
Pourquoi parle-t-on de “bloc de constitutionnalité” ?
Parce que la DDHC est intégrée avec la Constitution de 1958, le Préambule de 1946 et la Charte de l’environnement de 2004.
Les femmes ont-elles été incluses en 1789 ?
Non. Olympe de Gouges rédigera en 1791 sa propre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
Sources :
- Texte intégral de la Déclaration de 1789 – Légifrance
- Conseil constitutionnel – Décision du 16 juillet 1971
- Jean Rivero, Les libertés publiques, PUF