Un an ferme pour corruption, mais toujours décoré
Nicolas Sarkozy, ancien président de la République (2007-2012), a été définitivement condamné en décembre 2024 à trois ans de prison, dont un an ferme, pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes » (ou « affaire Bismuth »). Une condamnation qui, en théorie, aurait dû entraîner automatiquement sa radiation de l’ordre de la Légion d’honneur.
Le code de la Légion d’honneur est clair :
« Est exclue toute personne condamnée pour un crime ou à une peine définitive d’un an de prison ferme minimum. »
En mars dernier, le général François Lecointre, grand chancelier de l’ordre, avait rappelé publiquement ce principe : la dégradation est de droit.
Macron choisit de ne pas choisir
Pourtant, jeudi 24 avril 2025, Emmanuel Macron, en tant que grand maître de l’ordre, a décidé… de ne pas décider.
Pas de retrait, pas de radiation, pas même de commentaire officiel approfondi.
« À ce stade, je ne prendrai aucune décision de ce type », a simplement déclaré le chef de l’État.
Un choix politique plus qu’un oubli administratif. Car si le droit prévoit l’exclusion, l’application reste suspendue au bon vouloir présidentiel.
Ici, le silence vaut maintien.
Une tradition de clémence pour les puissants
Nicolas Sarkozy n’est pas le premier ancien chef d’État décoré malgré des déboires judiciaires. Jacques Chirac, lui aussi condamné en 2011 pour détournement de fonds publics, avait conservé ses insignes.
La pratique consisterait-elle à protéger l’institution présidentielle, au prix d’une application sélective de la loi ?
À moins que l’on ne considère la Légion d’honneur comme un hommage à la carrière… plutôt qu’à la probité.
Dans le cas de Sarkozy, la symbolique est d’autant plus lourde qu’il s’agit de la Grand-croix, la plus haute distinction possible. Pas exactement un détail sur le CV de l’ancien président.
Un signal trouble envoyé aux citoyens
À l’heure où la confiance dans les institutions est au plus bas — entre affaires judiciaires, inflation morale et crise de la représentation politique — cette décision laisse un goût amer.
Elle entretient l’idée que, dans la République française, la gravité des condamnations s’arrête à la porte du prestige.
Pendant que certains citoyens peinent à décrocher des aides publiques pour une erreur administrative, d’autres peuvent, semble-t-il, conserver leurs honneurs malgré une condamnation pour corruption.
À suivre… ou pas
Officiellement, la situation reste « en suspens ». Une décision pourrait être prise plus tard. Ou pas.
D’ici là, l’ordre national de la Légion d’honneur, censé récompenser « les mérites éminents au service de la Nation », devra composer avec ce nouveau chapitre de sa longue histoire.
Un chapitre où l’honneur, parfois, se conjugue surtout à l’indulgence.