Fraude fiscale : quand Bercy applique une instruction écrite par les banques, contre la volonté du Parlement

La démocratie fiscale française vient-elle d’être évacuée par la porte arrière du Bulletin Officiel ? Une inspection surprise menée par le Sénat révèle une réalité consternante : une simple instruction fiscale publiée en avril 2025 vide de toute efficacité une loi votée contre la fraude bancaire. Et ce n’est pas un hasard : selon le rapporteur général de la commission des finances, c’est la Fédération Bancaire Française elle-même qui en a dicté les contours. Bienvenue en République de la complaisance.

« Il s’agit bien de délinquance en col blanc, même s’ils présentent bien. »
— Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

Le scoop que vous n’entendrez pas au 20h

Une inspection sur pièces et sur place, conduite dans les bureaux feutrés de Bercy, a levé le voile sur un petit chef-d’œuvre de duplicité administrative : le gouvernement a publié le 17 avril 2025 une instruction fiscale au BOFiP (Bulletin Officiel des Finances Publiques), censée appliquer une loi votée par le Parlement pour lutter contre la fraude dite « CumCum ».

Sauf que cette instruction — en apparence technique — introduit des exceptions qui permettent de ne pas appliquer la loi… exactement comme le demandait la Fédération Bancaire Française (FBF). (source : Public Sénat)

Et là où l’affaire devient édifiante, c’est que les directions fiscales de Bercy ont explicitement recommandé de NE PAS répondre à ces demandes bancaires, craignant, je cite, « un risque polémique sévère ». Résultat ? Le ministère est passé outre, sans justification.

Fraude CumCum : un vieux tour de passe-passe toujours rentable

Le « CumCum », c’est l’art de transférer temporairement des actions à un résident fiscal français juste avant le versement des dividendes, permettant à un investisseur étranger de récupérer un crédit d’impôt… sans avoir payé un centime d’impôt.

Ce montage, révélé en 2018, a déjà coûté 33 milliards d’euros à l’État français, selon l’Université de Mannheim. Et pourtant, les banques continuent d’en profiter, en toute sérénité. (source : Le Monde)

Plus de 4,5 milliards d’euros de redressements sont aujourd’hui en cours, selon les services fiscaux. Et pendant que les ministres paradent à Bercy, les banques obtiennent, grâce à un texte discret, la garantie de ne rien payer.

Une administration schizophrène ?

Deux directions clés de Bercy — la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et la Direction de la législation fiscale (DLF) — avaient pourtant émis des alertes. Et le Sénat, dans un vote unanime, avait exigé un retrait du texte. Rien n’y fait.

Pire encore : le gouvernement a saisi le Conseil d’État pour tenter de bloquer l’amendement sénatorial, un geste rare en matière budgétaire, soulignant l’hostilité farouche de l’exécutif à toute lutte antifraude sérieuse… dès lors qu’elle touche les puissants. (source : Conseil d’Etat)

Et lorsqu’en novembre 2024, la FBF remet un document au rapporteur général du Sénat avec cette phrase en haut de la première page — « Il n’existe pas de phénomène de fraude en France résultant de pratiques d’arbitrage de dividendes » (source : CGT) — on comprend que l’humour cynique est une langue parlée couramment dans certains cercles dorés.

Deux poids, deux fiscalités

En 2023, Gabriel Attal reconnaissait que les redressements sur ces montages atteignaient 2,5 milliards d’euros. En 2025, ce sont 4,5 milliards d’euros supplémentaires qui sont en cours de procédure. Pendant ce temps, le gouvernement s’apprête à réclamer 40 milliards d’efforts aux Français pour redresser les comptes publics.

« Comment exiger des sacrifices des citoyens quand on accorde des dérogations sur-mesure aux multinationales ? »

Conclusion Politicothon

Il existe deux fiscalités en France : celle du boulanger, contrôlé pour une baguette oubliée ; et celle du banquier, qui fait écrire la loi pour s’en affranchir.
Mais rassurez-vous : tout va bien dans la start-up nation.

FAQ

Qu’est-ce que l’instruction fiscale d’avril 2025 ?
C’est un texte administratif publié par Bercy qui précise les conditions d’application d’une loi. Ici, il a été utilisé pour introduire des cas d’exemption fiscale qui n’existaient pas dans la loi votée.

Le Sénat peut-il s’y opposer ?
Il peut protester, comme il l’a fait à l’unanimité. Mais sans volonté du gouvernement, le texte reste en vigueur.

Et la FBF dans tout ça ?
La Fédération Bancaire Française a non seulement été consultée, mais elle a dicté les éléments de l’instruction, selon les documents récupérés à Bercy. Une forme de lobbying… très bien exécutée.

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