Pour la première fois sous la Ve République, une pétition citoyenne franchit le seuil sacré de l’Assemblée nationale. Plus de deux millions de signatures – rien que ça – obligent les députés à examiner la contestation de la loi Duplomb, promulguée le 11 août 2025. Ce texte, censé “libérer” les agriculteurs en assouplissant les contraintes environnementales, se retrouve désormais au banc des accusés… et les parlementaires, eux, face à une colère populaire soigneusement numérisée via France Connect.
Quand le peuple force la porte de l’Assemblé
D’ordinaire, les pétitions en ligne, même logées sur le site officiel de l’Assemblée, finissent dans un tiroir poussiéreux. Mais cette fois-ci, le chiffre a tout changé : plus de deux millions de citoyens se sont connectés, carte d’identité numérique en main, pour dire non à ce qu’ils perçoivent comme un blanc-seing donné à une agriculture sans garde-fous.
Aurélie Trouvé (LFI), présidente de la commission des affaires économiques, résume avec un brin de satisfaction : « C’est le signe d’une inquiétude croissante sur la qualité sanitaire de l’alimentation et sur nos écosystèmes ». Une inquiétude qui, ironie de l’histoire, aura réussi là où les mobilisations dans la rue peinent souvent : franchir le seuil institutionnel.
La loi Duplomb, ou l’art de “simplifier”
Votée en plein été, la loi Duplomb visait à lever certaines contraintes réglementaires pour les agriculteurs, notamment en matière d’usage de pesticides et de procédures administratives. Le gouvernement défendait une “urgence de compétitivité” face aux voisins européens. Les opposants, eux, y ont vu une régression écologique digne d’un manuel de productivisme agricole des années 70.
Le paradoxe saute aux yeux : au moment où l’Union européenne vante sa “transition verte”, la France fait machine arrière sur le plan environnemental, brandissant l’argument de la survie économique des exploitations.
Conséquences politiques : un caillou dans la botte de l’exécutif
Cet épisode inédit crée un précédent : désormais, une pétition peut réellement contraindre les députés à se saisir d’un texte. Certes, la commission devra encore désigner des rapporteurs, puis éventuellement porter le débat en hémicycle. Mais le symbole est déjà là : les citoyens ont fissuré le monopole parlementaire.
Politiquement, l’exécutif se retrouve piégé. Soit il maintient sa ligne pro-Duplomb et se coupe d’une opinion publique massivement mobilisée ; soit il recule, et admet que la rue numérique a eu gain de cause. Dans les deux cas, c’est un signal inquiétant pour Emmanuel Macron et son nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu : gouverner “contre” le peuple est risqué, mais gouverner “avec” lui l’est encore plus, tant la défiance est profonde.
Et maintenant ?
Le bureau de la commission doit désigner des rapporteurs. Puis, l’Assemblée décidera si le texte passe en débat public. Rien ne dit que la loi sera abrogée. Mais le précédent est créé : une démocratie représentative contrainte d’écouter la démocratie participative.
D’un point de vue européen, le cas français fera école : si deux millions de clics suffisent à faire vaciller une loi, imaginez le potentiel quand il s’agira de réformes fiscales, sociales ou… de retraites. Le cauchemar des gouvernants pourrait bien s’écrire en ligne, et pas seulement dans la rue.
FAQ
Pourquoi la pétition contre la loi Duplomb est-elle historique ?
Parce que c’est la première fois qu’une pétition franchit le seuil institutionnel et oblige une commission parlementaire à l’examiner.
Qu’est-ce que la loi Duplomb ?
Un texte promulgué en août 2025, destiné à alléger les contraintes administratives et environnementales des agriculteurs.
La loi peut-elle être abrogée ?
En théorie, oui, si l’Assemblée le décide. En pratique, le chemin parlementaire reste semé d’embûches et le gouvernement pourrait manœuvrer pour la maintenir.